marie fondatrice Admin
Messages : 1303 Réputation : 0 Date d'inscription : 13/05/2010 Age : 64 Localisation : MARMANDE LOT / GARONNE DANS LE 47
| Sujet: André Bamberski : "Au nom de ma fille assassinée" Lun 13 Sep - 18:01 | |
| André Bamberski : "Au nom de ma fille assassinée" Pechbusque, sur les hauteurs de Toulouse. Une maison aux grandes baies vitrées entourée de verdure. Assis dans un fauteuil recouvert de velours, André Bamberski, 73 ans, pourrait reposer ses yeux bleus dans les feuillages bercés par le vent, et peut-être, trouver un peu de paix…. Mais l'homme a la tête ailleurs : « Depuis 28 ans, je vis pour comprendre les raisons de la mort de ma fille. » Pas la moindre lassitude, il récite la procédure, il la connaît par cœur. Son existence est devenue un long combat. «Je suis là et je suis ailleurs»...Le 9 juillet 1982, Kalinka, sa fille de 14 ans, en vacances chez sa mère et son beau-père en Allemagne, est retrouvée morte dans sa chambre. André Bamberski est séparé de son épouse Danièle qui vit avec un médecin allemand, le Dr Krombach. Les deux enfants du couple, Kalinka et Nicolas, ont d'abord vécu à Pechbusque avant de rejoindre leur mère.Ma fille était une belle enfant Un rapport d'autopsie parvient à André Bamberski quelques mois plus tard après la mort de Kalinka. Les médecins légistes évoquent des piqûres sur le corps de l'adolescente. « Ma fille était une belle enfant, gaie, sportive, saine. La veille de sa mort, elle faisait de la planche à voile sur le lac de Constance. Comment pourrait-on me faire croire qu'elle a été victime d'une overdose ? »André Bamberski acquiert une conviction : sa fille, qui est morte asphyxiée, aurait été au préalable anesthésiée et violée. Il soupçonne aussitôt le beau-père, le Dr Krombach. En Allemagne, l'enquête sur le décès de Kalinka est classée sans suite. Mais en France, le Dr Krombach est condamné en 1995 pour « violences sur Kalinka ayant entraîné la mort sans intention de la donner » à quinze années de réclusion criminelle. Par contumace. Dieter Krombach ne s'est pas rendu au procès ; il est resté en Allemagne.Les archives s'accumulentAndré Bamberski se bat pour que justice soit rendue depuis près de trente ans. Sa compagne le soutient . Elle doit contenir avec peine les effets d'une longue bataille judiciaire. Le salon de la maison est cosy.Mais la chambre de Kalinka est envahie de dossiers. Le garage attenant sert d'archives. Les boîtes s'accumulent. « Je ne range jamais », dit André Bamberski. Dans sa tête, tout est ordonné. Classé. Fiché. Mémorisé. Les rapports d'autopsie, d'expertises, d'analyses, les noms des médecins légistes, les dépôts de plaintes, les lettres qu'il adresse aux juges qui se succèdent dans cette affaire, son courrier aux ministres. « Lisez donc l'arrêt de la chambre d'accusation du 8 avril 1993 », propose-t-il d'un ton pressant. Expert-comptable, commissaire aux comptes à Toulouse, André Bamberski a pris sa retraite anticipée en 1999. « Je ne me consacre plus qu'à Kalinka. Et depuis 2001, je ne suis plus seul. »Ses voisins de Pechbusque, des universitaires pour la plupart, ont créé l'association « Justice pour Kalinka ». Quelque 800 personnes ont adhéré. Un site internet a été créé.Un long combatRebondissement dans l'affaire en 1997. En Allemagne, Dieter Krombach est condamné à deux ans d'emprisonnement, assorti de sursis, pour « abus sexuel d'une personne sans résistance ». Une adolescente de 16 ans, qui s'est rendue dans son cabinet médical pour une endoscopie, a déposé plainte. Selon le jugement du tribunal correctionnel de Kempten, après l'intervention, alors que la jeune patiente est encore somnolente, le médecin lui impose un rapport sexuel. Dieter Krombach ne peut plus exercer la médecine pendant deux ans.Bamberski n'est pas parano Pour le père de Kalinka, cette nouvelle affaire renforce les soupçons qu'il nourrit depuis 1982 à l'encontre du médecin allemand. « Là, je dis, Bamberski n'est pas parano, Bamberski n'est pas fou. Et je commence à surveiller Krombach. Il déménage sans arrêt, deux à trois fois par an. La justice française me dit qu'elle n'a pas son adresse. Alors je pars en Allemagne pour le localiser ». La traque commence. Il ne veut pas lâcher. La France lance un mandat d'arrêt international en 1996 contre le médecin allemand. « Je me renseigne. J'apprends que ce mandat n'a été ordonné qu'au Benelux, en Espagne et au Portugal, alors que Dieter Krombach vit en Allemagne ! Je rue dans les brancards », précise toujours aussi calmement André Bamberski.Il demande aux autorités françaises de faire arrêter le médecin. André Bamberski lance ensuite des procédures contre l'État, car, dit-il, « j'ai la preuve qu'ordre a été donné de ne pas poursuivre Krombach ! » « Si vous saviez tout ce qui traverse ma tête ! ». La silhouette longiligne du père de Kalinka s'est légèrement tassée. Son compte en banque aussi : « Je gère ». Combien lui a coûté son combat ? « Je gère… » L'argent, il ne veut pas en parler. Sa volonté, elle, reste d'acier. Depuis Pechbusque, le septuagénaire imagine des scenarii improbables pour faire livrer le Dr Krombach à la justice française.Le Dr Krombach est enlevéEt c'est le coup de théâtre. Le 17 octobre dernier, devant son domicile de Scheidegg en Allemagne, le médecin est enlevé. On le retrouve le lendemain dans une rue de Mulhouse, ligoté contre une grille de porte. Et salement amoché à la tête.Au même instant, André Bamberski, lui, se trouve à l'église de Pechbusque où il prie. Mais il est pourtant interpellé, et placé en garde à vue. Un Kosovar a aussi été arrêté ; dans sa chambre d'hôtel, à Mulhouse, les policiers ont retrouvé 19 000 €, un « dédommagement » d'André Bamberski pour la « livraison » du Dr Krombach. Depuis, le médecin allemand a été incarcéré ; il est hospitalisé à la prison de Fresnes. André Bamberski a été mis en examen pour « enlèvement, séquestration, violences volontaires et association de malfaiteurs ». À 73 ans, il encourt la prison.« Ce qui serait dramatique pour moi », dit-il d'un ton très calme, « ce serait d'être incarcéré et de ne pouvoir assister au procès de Krombach ». Le médecin allemand est sous le coup d'un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'assises de Paris. Un nouveau procès devrait avoir lieu dans quelques mois ou début 2011. André Bamberski ne veut pas le manquer. « Des gens m'ont dit qu'il aurait été bien plus facile de faire assassiner le Dr Krombach… Je me suis toujours refusé à cela. Mais le meurtre de ma fille allait être prescrit dans deux ans. Face à l'inertie de la justice, j'ai décidé d'agir ». Quitte à se mettre hors-la-loi. André Bamberski n'est pas animé par un esprit de vengeance », assure son avocat toulousain Me Laurent de Caunes. « Ce qu'il veut, c'est un vrai procès au cours duquel sera jugé le Dr Krombach ». Les défenseurs de Dieter Krombach estiment que la France n'a pas le droit de juger un homme « innocenté » en Allemagne. Mais y a-t-il eu un procès outre-Rhin ? « La cour de justice de l'Union européenne pourrait trancher. Mais elle n'a pas été saisie », déplore Me Yves Levano, avocat de Dieter Krombach.André Bamberski poursuit le combat avec acharnement. « Si vous saviez ce qu'est ma vie depuis 28 ans… Le matin, je me lève, je consulte mes messages. Puis je rédige des textes pour mes avocats. Savez-vous que depuis le 18 octobre 2009, les défenseurs de Krombach ont déposé plusieurs demandes de remise en liberté ? Ils m'ont attaqué en diffamation après la parution de mon livre. Maintenant je dois me défendre ».La bataille judiciaire est devenue un duel entre deux hommes. Le médecin allemand peut l'emporter. Tout entier à son combat, André Bamberski ne cille pas. « Ce qui m'importe, c'est que Krombach soit jugé. Et s'il est acquitté, j'accepterai le verdict. Je serai allé au bout ». De sa peine et de ses forces. | |
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